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Fin du Libor : à quoi faut-il s’attendre ?

4 minutes de lecture

Alors que la crise sanitaire mondiale liée à l'épidémie de Covid-19 met les entreprises et les marchés boursiers à rude épreuve depuis bientôt un an, 2021 annonce un autre défi majeur pour le monde économique et financier : la fin du Libor.

Taux d’intérêt de référence sur le marché des devises depuis plus de 40 ans, l’indice londonien, impliqué dans des milliers de contrats financiers à travers le monde, doit pourtant être abandonné au 1er janvier 2022.

D’ores et déjà annoncé comme le plus grand défi imposé au secteur financier depuis de nombreuses années, le projet d’abandon du Libor (et des nombreux autres taux interbancaires qui lui sont liés) fait suite aux scandales qui ont terni sa réputation et celles des plus grandes banques mondiales, dont la crédibilité était déjà entachée par la crise des subprimes de 2008.

Loin de ne concerner que les institutions bancaires, la transition qui doit s’opérer dans les mois à venir implique de nombreux bouleversements dans les pratiques des entreprises, notamment en ce qui concerne leurs conditions de financement et leur gestion des risques.

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Les marchés abandonnent “le chiffre le plus important du monde”

Surnommé ainsi par les investisseurs, le Libor est le taux d’intérêt de référence sur le marché interbancaire londonien. Publié quotidiennement depuis 1986, il s’est peu à peu imposé comme une référence incontournable, orientant des milliers de transactions monétaires à travers le monde, en particulier des prêts interbancaires de court terme.

C’est en effet par l’intermédiaire de cet indice que les plus importantes institutions bancaires mondiales se prêtent et empruntent de l’argent “en blanc” (sans payer de caution).

Le Libor est le résultat de la moyenne des estimations de seize banques majeures quant au niveau de taux d’intérêt exigé par les autres banques pour leur prêter de l’argent. Il est calculé chaque jour ouvré pour cinq devises, dont le franc suisse (CHF), et sept maturités, en fonction des déclarations des banques (les taux extrêmes sont écartés du calcul).

Seulement, étant fondé sur des données déclaratives et non sur le recensement de transactions réelles, le Libor peut tout à fait être orienté et manipulé par les opérateurs de marché…

Or, c’est précisément ce qui déclencha le scandale du Libor en 2011, lorsque la banque UBS révéla aux autorités de régulation qu’elle s’était rendue coupable de violation des dispositions anticoncurrentielles en orientant le taux de référence, en concertation avec plusieurs autres établissements bancaires de premier rang, entre 2006 et 2009.

La manipulation du taux Libor poursuivait alors un double objectif : (1) cacher les vulnérabilités, dans le cas où les banques déclaraient des taux inférieurs à ceux qu’elles payaient, ou (2) minimiser les risques de vulnérabilité, dans le cas où le taux Libor était fixé trop haut. Ces orientations frauduleuses pouvaient également permettre aux banques de générer des plus-values sur les marchés financiers.

Suite à ce scandale, les banques furent sanctionnées et la légitimité du Libor largement contestée, d’autant plus que le taux de référence londonien révéla d’inquiétantes limites techniques au cours de la crise de 2008 : étant fondé sur une moyenne, le Libor perd tout son sens si les écarts à la moyenne explosent, comme lors d’une crise financière globale…

Une transition complexe pour toutes les parties prenantes

Il y a donc une double raison, à la fois politique et technique, à l’origine de la disparition programmée du Libor et des taux interbancaires Ibor qui lui sont associés, amenés à être remplacés par des taux alternatifs conçus au niveau national en fonction des devises indexées, pour pallier les limites du taux de référence historique.

Ainsi, le Libor en dollars américains (USD) sera remplacé par le Secured overnight financing rate (SOFR), le Libor en livres sterling (GBP) par le Sterling overnight index average (SONIA), et le Libor en francs suisses par le Swiss average rate overnight (SARON). 

Selon le Conseil de stabilité financière (CSF) chargé de surveiller le système financier mondial tout en lui formulant des recommandations, ces nouveaux taux seront plus robustes et plus transparents.

En Helvétie, la Banque nationale suisse (BNS) est directement impliquée dans le travail de conception du SARON, en collaboration avec les régulateurs financiers. Contrairement au Libor, ce nouveau taux de référence suisse est fondé sur l’observation directe des taux réellement pratiqués sur le marché au cours des dernières 24 heures. Une observation objective déléguée au groupe indépendant SIX afin d’obtenir les taux les plus fiables possibles.

Cependant, la mise en place du SARON sera un processus long, complexe et coûteux. Activités commerciales, conditions de financement, interactions avec les clients, gestion des risques… Les conséquences de la transition sont colossales, tant pour les banques que pour les entreprises.

Couplées aux incertitudes qui demeurent quant aux conditions de transition et à la nature finale exacte des futurs taux alternatifs, les entreprises suisses vont devoir faire preuve d’une capacité d’adaptation et de coordination importante dans les mois à venir !

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